« Ascension », des hauts et des bas

Suite à un alléchant pitch des ShowRunners (je vous aime tout plein, d’ailleurs), j’ai regardé la mini-série Ascension. Verdict : mitigé, et plutôt négatif, honnêtement. Mais développons un peu.

Je vais d’abord parler de la première partie, sans trop divulgâcher (que j’aime ce mot), et ensuite je mettrai un avertissement : alors si vous n’avez pas vu la série et que vous comptez le faire… faites-le maintenant :)

Résumé

Déjà, vous pouvez aller voir la vidéo des ShowRunners à ce sujet, mais en quelques mots : dans les années 60, en pleine guerre froide, les États-Unis d’Amérique ont envoyé un vaisseau spatial gigantesque, le USS Ascension, avec des centaines d’habitants à son bord, pour atteindre Proxima du Centaure, et y fonder une colonie. La survie de l’humanité, le futur, tout ça tout ça. La série se passe 51 ans plus tard, le vaisseau est à la moitié de son parcours (oui, parce que 4 années-lumières, vu la technologie de l’époque, ça ne se fait pas en 4 ans, même si un seul petit siècle pour faire ce trajet reste largement sous-estimé !).

Bien entendu, un si petit groupe ne peut pas vraiment évoluer, donc l’ambiance est complètement sixties : télés rondes et claviers en formica qui font blip, beaux officiers en costume et dames parées et impeccablement coiffées.

Et, pour la première fois de son histoire, la colonie est témoin d’un meurtre. Il est encore temps de rebrousser chemin : doit-on le faire ? Comment gérer cet incident ? Le second du vaisseau est chargé de l’enquête.

Sauf que ce n’est pas aussi simple que ça.

Et je ne peux pas en dire plus sans dévoiler un plot twist. Donc là, c’est le moment d’aller voir la série si vous le désirez.

Ambiance sixties chics
Ambiance sixties chics

Le retournement de situation

Parallèlement, on a quelques scènes sur Terre, au même moment : un homme, Enzmann, se fait alpaguer par un jeune fan tout frétillant, qui est persuadé que le projet Ascension, initié par le père de son interlocuteur, a vraiment existé.

Sur le vaisseau, un suspect est capturé : il a la gueule de l’emploi, il a un mobile, une arme est retrouvée chez lui, et en plus on l’a vu parler avec la victime dans les minutes de préquelle. Après une jolie bagarre, il est soudainement éjecté du vaisseau.

Vers l’espace.

Enfin… vers l’extérieur du vaisseau. Où il est récupéré sur un matelas par de grands gaillards.

Parce que voilà : l’USS Ascension n’est jamais parti. C’est une expérimentation sociale, pour simuler comment se passeraient des voyages stellaires sur plusieurs générations.

Et c’est là que ça a commencé à moins me plaire. Autant l’idée est séduisante, autant… elle est facile. Un côté « ouf, ce n’était qu’un rêve ». Et ce n’est pas fini. Parce que à la Nick Fury (mais siiii « même ses secrets ont des secrets »), en fait, ce n’est pas la vraie raison. Et celle qui sera présentée… non plus. Gni.

Luttes de pouvoir

Il apparaît très vite que l’autorité du capitaine de l’Ascension est menacée, ou du moins, convoitée. On voit donc souvent des affrontements verbaux (et moins verbaux ^^’ ) concernant le pouvoir en place.

Et lors de la dernière scène de l’épisode 1, il est clair qu’Enzmann est très attaché à son projet, le bébé de son père devenu le sien, et ça plaît moyen à sa hiérarchie, incarnée par la directrice Warren.

On peut donc faire un parallèle entre ces deux mondes, liés par la propension naturelle de l’humanité à vouloir diriger.

Économie

L’économie dans le vaisseau est un peu surprenante. Deux choses m’ont étonnée : déjà le réseau d’hôtesses du vaisseau, qui sont autant jolies potiches que prostituées et espionnes (« Sex is the real currency on this ship », dira Viondra, leur patronne). On ne sait pas si ce réseau s’est construit dans le vaisseau ou bien si c’était prévu depuis le début. Dans les deux cas, c’est… décevant. On a donc encore une fois des jolies filles – culte de la beauté – qui prêtent le serment de « s’occuper de tous » (entendre « tous les hommes », hein), et qui servent essentiellement à récupérer des confidences sur l’oreiller. Vu et revu. Et sexiste. Et homophobe (ouiiii mais vous comprenez, pour des raisons pratiques, il n’y a que des hétéros sur ce vaisseau). Alors bon on sait bien que le vaisseau est parti dans les années soixante, donc c’est conservateur, réac, etc, mais c’est agaçant, parce que mis en avant positivement.

Autre chose : on voit que dans les ponts inférieurs, on élève des cochons, pour les manger. D’un point de vue uniquement économique, c’est absolument inepte : on a un vaisseau fermé, avec une quantité limitée de nourriture et d’air, et on nourrit des animaux plutôt que de manger directement les végétaux produits ? À moins d’avoir un vaisseau-monde, ça me paraît une mauvaise idée. Notons qu’on ne voit pas la production de végétaux dans le vaisseau.

Un monde trop moderne

Je voudrais évoquer un problème récurrent dans la série : tout est trop moderne. Trop blanc, trop lisse. Mince, c’est un vaisseau parti avant le premier alunissage, et il n’y a pas de câble qui dépasse, le pont principal est trop récent. Les télés rondes font presque « ah oui zut c’est vrai, années 60, bon, jvais en mettre une là ». La suspension volontaire d’incrédulité est trop souvent rompue par ça : au fond, les faire partir dans les années 2000 et situer l’action en 2050 aurait été plus pertinent, à mon sens.

Non mais sérieusement, ça, ça fait décor "du futur" quand on le regarde depuis 2016.
Non mais sérieusement, ça, ça fait décor « du futur » quand on le regarde depuis 2016.

Je parlais tantôt d’un vaisseau-monde, et avec du recul, il semble clair que l’ambition d’ascension est d’en montrer un : une piscine « plage tropicale », des animaux nourris et mangés, et on a même des classes sociales avec les ponts inférieurs et les ponts supérieurs. Mais le vaisseau en lui-même est clairement trop petit pour permettre ça.

L'extérieur d'Ascension, ça a l'air grand, mais pas assez.
L’extérieur d’Ascension, ça a l’air grand, mais pas assez.

Même si l’intérieur semble plutôt pouvoir être estimé à 100m de large, si on se base sur le concept des vaisseaux d’Enzmann, dans notre monde 1, ça me semble vraiment petit.

Conspi !

Rapidement, un personnage nous a été présenté : Krueger, une consultante venue aider à investiguer le meurtre, de l’extérieur. Elle n’aime pas l’idée de ce « vaisseau » coupé du monde, se demande rapidement si les premiers occupants étaient d’accord, et entre en contact avec une femme, Eve Marceau, qui tient un site conspirationniste.

Lors de leur première rencontre de visu, cette dernière lui dit que des dizaines de scientifiques ont disparu la même année que la construction d’Ascension. Et des enfants, aussi. Des orphelins (ou pas), du genre… spécial. C’est-à-dire avec des « pouvoirs » : télékinésie, etc.

Là, Krueger dit que c’en est trop, qu’elle n’a pas l’intention d’écouter des salades, et se prépare à partir (ma réaction : « Yasss un message anti-conspi ! »). Et finalement, elle reste, et accepte l’idée (ma réaction : « Meuf, sérieusement ? Série, sérieusement ? À ta SF mâtinée de psychologie, tu ajoutes des pouvoirs psy et tu valides un comportement conspirationniste ? »).

Le seul point intéressant de ce personnage, c’est le retournement (encore) de situation : en fait, Eve travaille dans le projet Ascension, en tant qu’appât ; les gens qui s’intéressent au projet finissent toujours par tomber sur son site, la contacter, et s’iels s’approchent trop de la vérité… se faire éliminer par elle. Plutôt intelligent comme méthode ! Krueger en fait les frais, très brutalement, et très soudainement. Je crois que c’est, avec la révélation que le vaisseau n’a pas quitté la Terre, un des seuls moments où j’ai été véritablement prise de court. Et c’est agréable ! Dommage que ç’ait été si rare.

Le véritable véritable véritable but de la mission

Récapitulons : on a un vaisseau, censé être un vaisseau générationnel de colonisation. Sauf qu’en fait, c’est une expérience de simulation de vaisseau générationnel. Sauf qu’en fait, c’est une expérience pour permettre à des génies d’inventer de nouvelles technologies pour la Terre. Oui, je ne l’ai pas évoqué, parce que c’est dit en une petite phrase et il m’a fallu un temps pour capter que venait d’être révélé le, hum, véritable but de la mission, et c’est tellement idiot… un microcosme ne peut pas inventer (et on parle de micro-ondes, d’IRM, de polymères complexes, pas n’importe quoi), sauf à en avoir un besoin vital. Là, dans un vaisseau conçu pour accueillir des familles, on est censé avoir tout à disposition. Sauf qu’en fait – oui, c’est pas fini – c’est une expérience d’eugénisme, pour finalement fabriquer des gens avec des pouvoirs extrasensoriels. Et, je vous le donne en mille, la série se termine par la téléportation (involontaire) d’un des personnages vers un autre monde, une autre planète, et un joyeux « L’expérience est un succès ! » par Enzmann. Je.

Tout ça pour ça ?

On passe d’un pitch plutôt cool, un vaisseau colon et les choix à faire dans une communauté fermée, à une énième histoire de gens qui en font se reproduire d’autres pour développer des pouvoirs ?

Verdict

Le premier épisode m’a bien plu, à part les fois où je me disais « mais cet élément ne peut pas dater de 1963 ! ». La révélation de fin d’épisode, honnêtement je ne m’y attendais pas. Je savais qu’il y avait un plot twist, mais j’en ignorais la nature, et j’ai bien aimé l’idée. Le second… bon, moui. Et le troisième, je l’ai vu pour finir l’histoire (seule, en plus, l’Amoureux ayant jeté l’éponge plus tôt que moi), et je m’y suis ennuyée. Certaines scènes sont si inutiles ! Pour moi, quand on a seulement trois fois 1h10, il faut ciseler, élaguer, ne garder que les scènes qui sont vraiment intéressantes, qui font avancer. Les discussions au bord de la piscine qui ne mènent qu’au départ énervé d’un des participants n’amènent rien.

Je n’aime pas descendre une œuvre. J’attendais beaucoup d’Ascension, et j’ai été plutôt déçue.

Notes:

  1. Oui, en feuilletant Wikipédia pour des ressources, je tombe sur ceci : https://en.wikipedia.org/wiki/Enzmann_starship, le nom de ce personnage n’est pas pris au hasard.